Résumé :
Attribut indispensable du guerrier nomade dans les empires des steppes, le cheval demeure un instrument fondamental dans la vie quotidienne des peuples turco-mongols de Sibérie et d'Asie centrale.
Libre et soumis, monté et sacrifié, trait, mangé et corroyé, conté et chanté, l'équidé ne se contente pas d'être le faire-valoir de l'homme qu'il porte. De la Iakoutie au Turkménistan, il imprègne tous les pans de la culture. Ses usages n'ont pourtant, jusqu'à présent, fait l'objet d'aucune étude approfondie.
S'appuyant sur une recherche de terrain menée depuis 1993, l'auteur nous découvre ici les multiples formes d'utilisation du cheval chez les Iakoutes (mais aussi chez les Bouriates, les Kazakhs, les Kirghizes...). Les différentes parties de son corps fournissent un éventail de produits étonnant. Son énergie est exploitée sous le bât, la selle ou par le trait. Enfin, sa présence, son comportement et son image motivent toute une gamme de signes, jusqu'à devenir un emblème national.
Notre héros, le cheval iakoute, est un animal étrange, aux avatars multiples : vieux comme le mammouth, bon comme le cochon, laineux comme un mouton, il est le vaisseau de la taïga et sa figure représente une vache à l'envers. L'enquête révèlera que, inventée par les pasteurs de la steppe, règne encore là-bas, dans les confins glacés de l'aire altaïque, une civilisation du cheval.
Carole Ferret est docteur en ethnologie, chercheur à l'Institut français d'études sur l'Asie centrale (Tachkent) et affilié au Laboratoire d'anthropologie sociale (Paris).
Prônant une anthropologie de l'action, ses recherches visent à comparer traitement de la nature et traitement d'autrui en Asie intérieure.